62Printemps / Primavera 2012
Femmes voyelles, écrivaines du Québec
sous la direction de
Jean-François Plamondon
Sommaire / Indice
Jean-François Plamondon, Des bas bleus aux femmes voyelles
Lucie Picard, Le Manuel de poétique de Carole Davide et son canon paradoxal: offrir une alternative
Lyne Hains, Voix de mères et voix de filles dans le théâtre féminin québécois
Anna Paola Mossetto, Nicole Brossard, Naomi Fontaine: l’univers et la réserve en assonance
Anna De Vaucher Gravili, Marie-Claire Blais: une écriture au cœur du genre
Isabelle Boisclair, Mourir ou jouir: détournement et retournement des scripts sexuels hétéronormatifs dans Borderline de Marie-Sissi Labrèche
Lori Saint-Martin, Frères et sœurs: figures de la fugue chez Monique LaRue, Suzanne Jacob et Carole Massé
Jean-François Plamondon, Le parricide des autobiographes
Lucie Picard, Le Manuel de poétique de Carole Davide et son canon paradoxal: offrir une alternative
Dans cet article, l’auteure analyse la signifiance de la dimension intertextuelle/interdiscursive qui structure le recueil Manuel de poétique à l’intention des jeunes filles (2010) de Carole David. Elle met en évidence l’intentionnalité mixte qui caractérise le projet de la poète: d’une part, l’écriture davidienne, qui relève du grotesque et qui multiplie le recours aux procédés surréalistes, en réalisant une monstration de l’horreur de la vie domestique et du destin des pionnières de l’émancipation artistique et spirituelle des femmes, réalise une critique virulente et ludique de la condition des femmes et de l’écriture au féminin; d’autre part, les poèmes comportent des enjeux affectifs qui orientent la lecture vers une dimension propositive, car malgré ses limites, le canon littéraire, artistique et spirituel offert dans ce «manuel» bizarre ouvre un horizon et fonde une solidarité intergénérationnelle entre femmes et/ou poètes, une appartenance lucide appelant à d’ultérieurs (et nécessaires) dépassements.
Lyne Hains, Voix de mères et voix de filles dans le théâtre féminin québécois
La lecture de l’ensemble des textes dramatiques du répertoire féminin québécois de 1960 à nos jours révèle une problématique récurrente, soit celle de l’ombrageuse relation mère-fille. Les années 1960 voient apparaître, dans le théâtre des femmes au Québec, la voix de la mère, qui se joint à la voix de la fille pour exprimer les difficiles relations qui les opposent. Lors de l’essor du féminisme des années 1970, les filles cherchent à sortir de leur emprisonnement en sommant la mère de comparaître devant elles et en la condamnant, allant jusqu’à la tuer symboliquement sur scène. La troisième période (1980 à nos jours) voit naître plusieurs voies théâtrales différentes. La troisième voie, née à la fin des années 1990, est mise de l’avant par des jeunes femmes qui dénoncent la mère féministe pour permettre à la fille d’inventer sa propre voie, au prix, une fois de plus, d’un matricide. C’est le cas de la pièce Dévoilement devant notaire (2002) de Dominick Parenteau-Lebeuf qui est ici brièvement analysée. À travers les décennies, un bilan plutôt sombre du personnage de la mère doit être fait. La constatation ultime à laquelle on doit en arriver est que le rapport mère-fille n’a pas véritablement évolué depuis le début des années 1960 dans le théâtre des femmes au Québec.
Anna Paola Mossetto, Nicole Brossard, Naomi Fontaine: l’univers et la réserve en assonance
Cet article entend confronter l’écriture d’une auteure admise dans l’Olympe des lettres québécoises, Nicole Brossard, et celle d’une jeune écrivaine innue, Naomi Fontaine, que tout sépare apparemment, mais dont l’espace et l’expérience de l’espace rapprochent inévitablement. Au cœur de cette analyse, d’où ressort une poétique du silence dans La Capture du sombre et Kuessipan, se trouve aussi une réflexion sur la langue de soi et de l’autre, comme une invitation au dialogue entre la spécificité et l’universalité, dans une dynamique d’infinitude commune aux deux écrivaines.
Anna De Vaucher Gravili, Marie-Claire Blais: une écriture au cœur du genre
Marie-Claire Blais est une figure qui s’impose dans le panorama des lettres québécoises depuis les années 1960. Son œuvre met en scène bien souvent des personnages appartenant à la marge, une marge toujours à redéfinir avec les mœurs qui évoluent au fil des décennies et les tabous qui résistent à la régénération sociale. C’est aux personnages du travestissement de l’œuvre blaisienne que s’attarde Anne De Vaucher Gravili. Après avoir parcouru les cinquante années de création littéraire de Marie-Claire Blais, l’auteure s’arrête au cinquième volet du roman Soifs, Mai au bal des prédateurs.
Isabelle Boisclair, Mourir ou jouir: détournement et retournement des scripts sexuels hétéronormatifs dans Borderline de Marie-Sissi Labrèche
Dans son roman Borderline, paru en 2000, Marie-Sissi Labrèche met en scène un personnage féminin parlant cru des choses du sexe. La réception critique souligne souvent la vulgarité du personnage. Cet article examine les scènes sexuelles du roman à la lumière de la théorie des scripts sexuels de John Gagnon, tentant de débusquer où réside la vulgarité. Il apparaît que les scénarios culturels offerts à la jeune fille, par définition hétéronormatifs, sont imprégnés de violence, ce qui s’exprime par des images d’étouffement lors des scènes sexuelles avec les hommes. Deux voies permettent cependant au personnage de se tirer de cette économie mortifère: lorsqu’elle fait l’amour avec un partenaire féminin, puis, sur le plan fantasmatique, en retournant les scénarios de violence envers les hommes eux-mêmes.
Lori Saint-Martin, Frères et sœurs: figures de la fugue chez Monique LaRue, Suzanne Jacob et Carole Massé
Les couples frère-sœur, en littérature, et surtout les jumeaux frère-sœur, grands oubliés de l’analyse, jettent une nouvelle lumière sur l’analyse du roman familial. L’étude de trois romans d’auteures québécoises – Les Faux Fuyants de Monique LaRue, Wells de Suzanne Jacob et L’Arrivée au monde de Carole Massé – met à jour des constellations semblables, autour de la fuite, de la mort, du double, du même et de l’autre. Ces romans interrogent l’identité de genre et indiquent la voie d’une certaine mixité, d’une co-présence harmonieuse du masculin et du féminin, des hommes et des femmes, dans la société.
Jean-François Plamondon, Le parricide des autobiographes
Selon une étude de Lori Saint-Martin, le parricide est un thème récurrent et un phénomène important dans le roman québécois. Le présent article aborde une fois de plus ce thème du parricide, mais en l’étudiant cette fois dans la spécificité du corpus autobiographique. En analysant des textes de Gabrielle Roy, de Simonne Monet Chartrand, de Paul Toupin et de Gilles Archambault, l’auteur entend explorer la poétique du parricide et comprendre la fonction de la mort du père dans la construction du moi.
Interviews et inédits/Interviste e inediti
Nicole Brossard, Etobicoke
Comptes rendus/Recensioni
P. Casanova, Des littératures combatives. L’internationale des nationalismes littéraires (J.-F. Plamondon)
C. Minelle, La nouvelle québécoise (1980-1995). Portions d’univers, fragments de récits (A. De Vaucher Gravili)
J.-R. Bloch, A. Spire, Correspondance 1912-1947. Sommes-nous d’accord?, édition établie, préfacée et annotée par M.-B.Spire (M. C. Gnocchi)
P. Oppici, La Rivoluzione in una parola, «Bienfaisance» 1789-1800 (F. Zanelli Quarantini)
Notes de lecture/Pubblicazioni ricevute e schede
Pubblicato con contributi del CISQ (Centro Interuniversitario di Studi Quebecchesi) e del Dipartimento di Lingue e Letterature Straniere Moderne dell’Università di Bologna.