Sommaire / Indice
Yves Bonnefoy, Fonction de la poésie dans la société contemporaine
Umberto Eco, Scrittura « creativa » e no. Una distinzione sensata?
Mohamed B. Taleb-Khyar, De l’histoire au hérault : analyse d’une épopée africaine
Christine Van Rogger-Andreucci, Le poème en prose jacobien
Andrew McQueen, «Qui est donc … ?»: une étude de Spiridion de George Sand
Yves Bonnefoy, Fonction de la poésie dans la société contemporaine
Face au malheur existentiel, l’homme contemporain ne connaît plus le secours d’un bonheur ontologique, fondé sur la croyance en un Dieu garant de l’unité du monde. La Raison, par la vérité plurielle de ses représentations, a défait cette unité, privant le cosmos de son centre et la parole humaine de sa part divine. L’homme contemporain connaît ainsi une soif d’être que la raison s’avère impuissante à étancher et qu’elle exaspère même, contribuant à susciter les plus dangereux mirages. Aveugle à ce qu’a de spécifique l’instant d’existence, la pensée conceptuelle ne peut en effet saisir en leur être ni les choses, ni l’être humain, ni ce qui les unit dans une présence au monde pacifiée. Mais la musicalisation du langage, ainsi dépouillé de toute sédimentation conceptuelle, permet à notre être de s’exprimer en ce qu’il a de plus immédiat. Cette parole qui fait écho a l’expérience d’unité, est la poésie. Laquelle permet d’opposer à l’angoisse qui vient de la pensée conceptuelle ce qu’a de libérateur la rencontre de la présence. Nous rendant, momentanément, le bonheur ontologique perdu.
Umberto Eco, Scrittura « creativa » e no. Una distinzione sensata?
Distinguer une écriture «créative» d’une autre qui ne le serait pas aurait-il un sens? En ce cas, sur quels critères fonder la distinction écrivain/écrivant ? Serait-ce que l’écrivant se propose le vrai, alors que l’écrivain se propose une fiction: l’écrivanttendant à rendre toujours plus claire sa pensée; l’écrivain masquant la sienne sous des formes toujours nouvelles et ambigües? Les différences sont plus subtiles. D’après le modèle de Hjelmslev – l’expression, de même que le contenu, ayant sa propreforme et sa propre substance – on aura d’un côté une substance de l’expression (l’écriture même manifestant par sa forme une pensée), de l’autre une forme du contenu (une même pensée pouvant se manifester par des écritures différentes). II y aurait ainsi une créativité du discours philosophique, relevant essentiellement du contenu, à côté d’une créativité du discours poétique, relevant principalement de l’expression. Si bien que l’opposition, un peu grossière, entre créativité et non créativité ne peut que se résoudre en un plus ou moins de créativité.
Mohamed B. Taleb-Khyar, De l’histoire au hérault : analyse d’une épopée africaine
Avec la publication de Soundjata ou l’épopée mandingue (1960), le grand spécialiste du Moyen Age africain Djibril Tamsir Niane ouvre une voie nouvelle aux recherches historiques: car tout en demeurant historien à part entière, il donne plein droit de cité à la tradition orale, en mettant son lecteur à 1’écoute de la parole du griot. Dans l’analyse de Soundjata proposée ici, l’ensemble des procédés poétiques propres à l’art narratif du griot apparaît comme la substance même d’une écriture nouvelle de l’histoire qui, modifiant la conception de la documentation, n’en garde pas moins toute sa portée scientifique.
Christine Van Rogger-Andreucci, Le poème en prose jacobien
En 1917, Le cornet à dès assure la notoriété de Max Jacob. Et de fait, le poème en prose comme genre nouveau fut en effet la principale revendication littéraire du poète. Sa première caractéristique en théorie comme dans la pratique est la destruction du sujet: dans la banalité apparente de ces courts récits, le sens se dérobe a la compréhension du lecteur pour mettre mieux en avant la matérialité même du langage. Le second refus est celui du lyrisme. L’anecdote anonyme ou la mise à distance ironique empêchent l’émotion de s’installer. Comme son titre l’indique, l’œuvre tente de collaborer avec le hasard ou l’inconscient est convoqué, mais toujours sous le contrôle de la raison. Et c’est certainement sa parenté avec le rêve, mais un «rêve inventé», échangeant les catégories de l’étrange et du familier, qui fait la spécificité du poème en prose jacobien.
Andrew McQueen, «Qui est donc … ?»: une étude de Spiridion de George Sand
II s’agit d’un roman de Sand peu connu, qui mérite pourtant des études attentives. Cet article examine d’abord le problème de l’identité de l’esprit Spiridion, tel que ce problème est posé par le roman. II démontre que l’ambiguïté du statut ontologique de Spiridion est liée à la représentation idéaliste de l’histoire qui caractérise le roman, et considère la place construite pour le lecteur dans ce roman, où il s’agit de la transmission des textes et de la transmission d’une identité commune; en d’autres termes, on y examine comment l’élément didactique du récit, qui peut de nos jours sembler rébarbatif, se manifeste dans les formes narratives mêmes du roman.
Notes et commentaires/Note e rassegne
Maurice Lemire, Novella Novelli, Francofonia: centro e periferia
Cristina Schiavone, A propos de Le Jujubier du patriarche. Entretien avec Aminata Sow Fall
Marie-France Mahéo, Le climat érotique: obsession et ambiguïté dans Chronique d’un faux-amour de Jacques-Stéphen Alexis
Carla Tassara, Dal Terrore a Napoleone: Blanche et Montcassin di A. V. Arnault
Comptes rendus/Recensioni
Nombres et littérature, «Iris», numéro hors série, Centre de recherche sur l’imaginaire (Jean d’Yvoire)
Ch. Plisnier, Figures détruites, Préface de Ch. Bertin (Jean Robaey)
Raymond Queneau et les langages. Colloque de Thionville; M. Bigot, Zazie dans le métro de Raymond Queneau (Gianni Poli)
S. Beckett, Mal vu mal dit, nella trad. di S. Beckett, con un saggio di N. Fusini (Simona Mambrini)
J. Genet, Splendid’s (Gianni Poli)
Notes de lecture/Pubblicazioni ricevute e schede
Actualités/Notiziario
Pubblicato con contributi del Ministero dell’Università e della Ricerca Scientifica e Tecnologica, e dell’Università di Bologna. Lavori eseguiti con un contributo del C.N.R.